La règle de déductibilité des frais de siège et d’assistance technique

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Au sein des groupes d’entreprises, les frais de siège et les frais d’assistance technique jouent un rôle important dans les dynamiques financières et opérationnelles. Facturés entre des entités résidant dans différents États, ces frais sont considérés comme des prix de transfert, influençant la répartition des coûts et la transparence financière tout en respectant les régulations fiscales internationales.

Comprendre les distinctions entre ces deux types de frais et leurs modalités est essentiel pour une gestion efficace des ressources et pour se conformer aux exigences fiscales. Cette distinction clarifie non seulement les relations financières internes, mais optimise également les opérations et réduit les risques fiscaux liés aux prix de transfert. 

Au Niger, la déductibilité de ces frais est soumise à des règles spécifiques. Les entreprises doivent naviguer dans un cadre réglementaire complexe pour garantir que leurs pratiques de facturation respectent les normes fiscales en vigueur. La règle de déductibilité est ainsi un élément essentiel à considérer dans le paysage fiscal et financier, influençant directement la manière dont ces coûts sont traités du point de vue fiscal.

Comprendre les implications fiscales de la déductibilité des frais de siège et d’assistance technique devient alors indispensable pour naviguer efficacement dans cet environnement complexe, optimiser la structure des coûts et assurer une conformité rigoureuse aux normes nationales et internationales en matière fiscale et de prix de transfert.

Dans les prochaines lignes, nous examinerons ces frais de siège et d’assistance technique, ainsi que les règles spécifiques de déductibilité qui leur sont applicables.

  1. Généralités

Qu’il s’agisse de frais de siège ou d’assistance technique, d’important flux financiers découlent des relations entre la société mère d’un groupe et ses filiales. Les frais de siège et d’assistance technique relèvent de la catégorie des prix de transfert lorsqu’ils sont facturés (ou refacturés dans le cas des frais de siège) entre des entreprises d’un même groupe résidentes d’Etats différents.

Les frais de siège ou frais généraux, sont les coûts associés à l’exploitation et à la gestion du siège social d’une entreprise, incluant des dépenses telles que le loyer, les services publics, les salaires du personnel administratif, les équipements de bureau, les services externes et les assurances. Ces frais sont essentiels au maintien de la structure organisationnelle et au soutien des opérations générales de l’entreprise.

En revanche, les frais d’assistance technique concernent les coûts liés aux services de soutien technique, tels que l’installation, la maintenance et le dépannage des systèmes technologiques, la formation du personnel, les conseils en technologie, les mises à jour logicielles et matérielles, le support à distance et l’assistance sur site. Ces frais sont cruciaux pour garantir le bon fonctionnement et l’optimisation des technologies utilisées par l’entreprise.

La frontière entre les frais de siège et les frais d’assistance technique semble tracée principalement par :

      • le mode de facturation
      • la nature des liens entre les entreprises se facturant lesdits frais ;
      • et la finalité recherchée.

Frais

Caractéristiques

Frais de siège

Frais d’assistance technique

Mode de facturation

Les frais de siège sont des coûts de certains services supportés, en amont, par la société mère au profit de ses filiales et/ou établissements stables, puis « refacturés », en aval, à ces derniers en fonction d’une clé de répartition (un certain pourcentage du chiffre d’affaires, du bénéfice, du total de bilan, etc.). Tel est le cas de la refacturation des intérêts d’emprunts contractés par la société mère au profit de ses filiales. Lorsque les sommes mises à la disposition de la filiale sont prélevées sur les fonds propres de la société mère, les intérêts « facturés » à cet effet ne constituent pas des frais de siège. Il en est de même de la rémunération du personnel de la société mère affecté :

      • à la tenue et au contrôle de la comptabilité de l’ensemble des filiales et/ou établissements stables du groupe ;
      • à l’établissement et de la communication du reporting financier ;
      • au suivi du budget ;
      • etc.
Les frais d’assistance technique sont des frais « facturés » au réel. Il ne s’agit pas de refacturation de coûts mais de facturation de prix réels des prestations. Le contrat d’assistance technique fixe dans ses clauses le prix des prestations sans l’adosser à un agrégat quelconque. Les services sont identifiés et leur prix connu et fixé d’avance.
Nature des liens Les frais de siège sont toujours facturés intra-groupe (c’est-à-dire entre entreprises d’un même groupe). Ces frais reflètent les coûts des services fournis par la société mère à ses filiales ou établissements stables. Par nature, les frais de siège concernent donc exclusivement les relations intra-groupe, ce qui souligne le lien de dépendance entre les entités. Les frais d’assistance technique peuvent être facturés entre entreprises n’ayant pas de liens de dépendance. Ce qui signifie que ces entreprises ne sont pas nécessairement affiliées ou liées par une relation de contrôle direct.
Finalités recherchée

Les frais de siège n’induisent pas de transfert de compétences. Les services sont rendus par la société mère sans en impliquer le personnel de la filiale. Il n’y a donc pas de transfert de compétences.

Il s’agit principalement de fonctions administratives et de support, où le transfert de compétences ou de savoir-faire n’est pas un objectif. Ainsi, les frais de siège se concentrent sur le soutien opérationnel et administratif des filiales sans chercher à transférer des connaissances spécifiques.

L’assistance technique induit toujours un transfert de technologies ou de savoir-faire (transfert de compétences). L’assistance technique se manifeste notamment par :

      • des déplacements et interventions d’experts et techniciens, contrôle de fabrication, études, formations professionnelle et stages ;
      • d’analyse, d’expertise technique, audit et certification aux normes internationales (telles que les normes ISO).

  1. Fiscalisation des frais de siège et d’assistance technique

Cadre réglementaire avant 2023

Jusqu’au 31 décembre 2022, seule la déductibilité des frais de siège versés par les filiales nigériennes à leurs sociétés mères étrangères était limitée. Mais lorsqu’il s’agit de toutes autres prestations, autres que les frais de siège, les sommes rémunérant ces prestations étaient déductibles, dès-lors qu’elles répondaient aux conditions générales de déductibilité des charges.

Changements introduits par la Loi de Finances 2023

La loi de finances pour l’année budgétaire 2023 a apporté un changement significatif en limitant également la déductibilité des frais d’assistance technique. Cette modification, inscrite dans l’article 14, Section I, Titre I, du Livre premier du Code Général des Impôts, établit désormais que :« Les sommes destinées à rémunérer les services rendus, à titre de frais de siège et d’assistance technique par une entreprise, installée à l’étranger, ne sont admises en déduction du bénéfice imposable que pour la quote-part qui n’excède pas 20% du bénéfice comptable réalisé au Niger avant déduction desdites sommes. ».

Cette nouvelle règle vise à uniformiser le traitement fiscal des frais de siège et des frais d’assistance technique, en limitant leur déductibilité à 20% du bénéfice comptable. Cette mesure a été introduite pour renforcer la base fiscale du Niger et limiter les pratiques d’évasion fiscale par les multinationales, qui pourraient autrement réduire leur base imposable par des transferts excessifs de ces frais.

  1. Détermination de la quote-part des frais de siège et d’assistance technique déductible

La détermination de la quote-part des frais de siège et d’assistance technique déductible pour une entreprise domiciliée au Niger qui verse ces frais à une entreprise installée à l’étranger est soumise à certaines conditions strictes. Ces conditions visent à s’assurer que les frais déduits sont légitimes et ne dépassent pas une certaine proportion du bénéfice comptable, afin de protéger la base imposable du Niger. Les conditions à remplir pour que ces frais soient déductibles sont les suivantes :

Respect des Conditions Générales de Déductibilité des Charges :

    • Les frais de siège et d’assistance technique doivent répondre aux conditions générales de déductibilité des charges telles qu’énoncées à l’article 16 du Livre premier du Code Général des Impôts du Niger notamment :
        • être exposée dans l’intérêt direct de l’exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l’entreprise ;
        • correspondre à une charge effective et être appuyée de justifications suffisantes ;
        • se traduire par une diminution de l’actif net de l’entreprise ;
        • être comprise dans les charges de l’exercice au cours duquel elle a été engagée ;
        • ne pas être exclue par une disposition fiscale particulière.

Limitation à 20% du Bénéfice Comptable :

      • Le cumul des frais de siège et d’assistance technique ne doit pas dépasser 20% du bénéfice comptable de l’exercice avant déduction desdits frais.
      • Concrètement, cela signifie que pour déterminer la quote-part déductible, l’entreprise doit calculer son bénéfice comptable avant de déduire les frais de siège et d’assistance technique. Ensuite, 20% de ce montant représente la limite supérieure des frais déductibles.

Trois (3) cas de figure sont susceptibles de se présenter.

  1. Premier cas de figure: Les frais de siège et d’assistance technique sont déductibles en partie.

Prenons l’exemple d’une filiale nigérienne qui verse à sa société mère étrangère 300.000.000 FCFA en rémunération de divers services rendus, à titre de frais de siège et d’assistance technique, au cours de l’exercice 2023. Le tableau de passage du résultat comptable au résultat fiscal de l’exercice affiche un Bénéfice Net Comptable Avant Impôt (BNCAI) de 1.035.200.000 FCFA.

TAF : Déterminer la quote-part de frais de siège et d’assistance technique déductible conformément à l’article 14 du LP du CGI.

      • Corrigé

Calcul du Bénéfice Comptable Avant Déduction des Frais

Soit BCAF le Bénéfice Comptable Avant déduction des Frais de siège et d’assistance technique.

BCAF = (BNCAI) + (Frais de siège et d’assistance technique)

= 1.035.200.000 + 300.000.000, soit 1.335.200.000 FCFA.

Calcul de la limite de déductibilité

La limite de quote-part de frais de siège et d’assistance technique déductible

(BCAF)*20% = 1.335.200.000*20%, soit 267.040.000 FCFA.

Détermination de la Quote-part déductible

Pour déterminer la quote-part déductible des frais de siège et d’assistance technique, comparez le montant versé avec la limite de déductibilité calculée :

Quote-part déductible= min (300.000.000 FCFA,267.040.000 FCFA)

Quote-part déductible=267.040.000 FCFA

Ainsi, les frais de siège et d’assistance technique ne sont déductibles que dans la limite de 267.040.000 FCFA.

Montant non déductible à réintégrer

Montant non déductible=Montant versé−Quote-part déductible

Montant de Frais non déductible à réintégrer sur le tableau de passage du résultat comptable au résultat fiscal

300.000.000 – 267.040.000 = 32.960.000 FCFA.

  1. Deuxième cas de figure: Les frais de siège et d’assistance technique sont intégralement déductibles.

Reprenons l’exemple précédent tout en considérant que la filiale a, cette fois-ci, réalisé un Bénéfice Net Comptable Avant Impôt (BNCAI) de 1.250.000.000 FCFA et engagé des Frais de siège et d’assistance technique de 275.000.000 FCFA.

      • Corrigé

Calcul du Bénéfice Comptable Avant Déduction des Frais

Le Bénéfice Comptable Avant déduction de Frais (BCAF) = 1.250.000.000 + 275.000.000, soit 1.525.000.000 FCFA.

Calcul de la limite de déductibilité

La limite de quote-part de frais de siège et d’assistance technique déductible= 1.525.000.000*20%, soit 305.000.000 FCFA.

Détermination de la quote-part déductible

Le montant des frais de siège et d’assistance technique étant inférieur à la limite autorisée, l’intégralité desdits frais est déductible, soit 275.000.000 FCFA. Aucun montant n’est à réintégrer, par conséquent.

  1. Troisième cas de figure: Le résultat comptable avant déduction des frais de siège et d’assistance technique de l’exercice est déficitaire.

Lorsque le résultat comptable avant imputation des frais de siège et d’assistance technique est déficitaire ou nul, le résultat comptable du dernier exercice bénéficiaire non prescrit servira de base au calcul de la quote-part de 20% déductibles.

Exemple : Une filiale nigérienne verse à sa société mère étrangère 215.000.000 FCFA en rémunération de divers services rendus, à titre de frais de siège et d’assistance technique, au cours de l’exercice 2023.

Le tableau de passage du résultat comptable au résultat fiscal de l’exercice affiche une Perte Nette Comptable Avant Impôt (PNCAI) de – 875.000.000 FCFA.

L’historique des Résultats Comptables Avant déduction des Frais de siège et d’assistance technique (RCAF) se présente comme suit :

      • Exercice 2022 : – 568.658.000 FCFA ;
      • Exercice 2021 : – 986.789.000 FCFA ;
      • Exercice 2020 : – 745.239.000 FCFA ;
      • Exercice 2019 : 150.100.000 FCFA

TAF : Déterminez la quote-part de frais de siège et d’assistance technique déductible au titre de l’exercice 2023.

      • Corrigé:

Calculons d’abord le Résultat Comptable Avant déduction des Frais de siège et d’assistance technique (RCAF) de l’exercice 2023.

RCAF = (PNCAI 2023) + (Frais de siège et d’assistance technique)

= – 875.000.000 + 215.000.000

RCAF 2023 = – 660.000.000 FCFA

Le résultat net comptable avant déduction des frais de siège et d’assistance technique de l’exercice 2023 n’étant pas bénéficiaire, le bénéfice avant déduction des frais de siège de l’exercice 2019 (dernier exercice bénéficiaire non prescrit) servira de base au calcul de la quote-part de 20% déductibles.

Quote-part des frais de siège et d’assistance technique déductibles au titre de l’exercice 2023 = (RCAF 2019) *20%, soit 1.150.100.000*20% = 230 020 000 FCFA.

  1. Conclusion

La gestion des frais de siège et d’assistance technique constitue un défi fiscal majeur pour les entreprises multinationales opérant au Niger. Avec l’évolution des régulations fiscales en 2023, le gouvernement nigérien a adopté une approche plus stricte pour limiter la déductibilité de ces frais à 20% du bénéfice comptable avant leur déduction. Ce changement vise à contrer les pratiques d’évasion fiscale et à garantir que les entreprises paient une part équitable d’impôts sur leurs bénéfices réels.

Cette règle de déductibilité impose aux entreprises de respecter des conditions strictes pour s’assurer que seuls les frais légitimes, répondant aux exigences générales de déductibilité, sont pris en compte. Les entreprises doivent démontrer que ces frais sont engagés dans l’intérêt direct de leur exploitation, qu’ils représentent des charges réelles et qu’ils sont appuyés par des preuves suffisantes. Elles doivent également être capables de prouver que les frais ne dépassent pas la limite de 20% du bénéfice comptable.

Les différents scénarii illustrés montrent comment les entreprises peuvent naviguer dans ces règles pour optimiser leur conformité fiscale. Que les résultats comptables soient bénéficiaires ou déficitaires, il est crucial de calculer avec précision les montants déductibles pour éviter les ajustements fiscaux coûteux.

En somme, la règle de déductibilité des frais de siège et d’assistance technique au Niger exige des entreprises une compréhension approfondie des régulations fiscales et une planification stratégique pour optimiser leurs charges déductibles tout en respectant les lois fiscales nationales et internationales. Cela permet non seulement de minimiser les risques fiscaux mais aussi de maintenir une transparence financière et opérationnelle au sein des groupes d’entreprises.

Inspecteur des impôts et des domaines.


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