INTRODUCTION
L’avènement de la révolution industrielle et l’expansion des échanges commerciaux ont marqué un tournant décisif dans l’histoire économique mondiale.
Avec une capacité de production quasi illimitée, les entreprises se sont engagées dans une course effrénée à la surproduction, alimentée par une concurrence toujours plus féroce et les exigences croissantes des consommateurs. Ce cercle vicieux de surproduction, demande accrue, et concurrence exacerbée a entraîné une pression considérable sur nos ressources naturelles et a exacerbé la pollution de l’environnement.
Cette pollution atmosphérique a engendré une accumulation alarmante de gaz à effet de serre, entraînant une myriade de conséquences néfastes telles que des maladies respiratoires, la dégradation des écosystèmes, et des changements climatiques dévastateurs tels que l’élévation du niveau des océans et les phénomènes météorologiques extrêmes.
Face à cette situation qui prend des proportions de plus en plus préoccupantes, voire alarmantes, des mesures sont prises au niveau des pouvoirs publiques afin de limiter la détérioration environnementale.
Parmi ces mesures, la fiscalité verte, également connue sous les noms de fiscalité environnementale ou écologique (Green tax en anglais), émerge comme un outil clé dans la lutte contre la pollution et la préservation des ressources naturelles.
C’est un concept relativement récent mais en plein essor qui fait de plus en plus parler notamment dans les pays en voie de développement où les conséquences des effets néfastes sur l’environnement se font le plus ressentir du fait de la dépendance très importante de la population vis-à-vis des actifs environnementaux. Ce concept accompagne donc une tendance mondiale plus globale, à savoir l’écologie, qui est une doctrine visant à assurer un équilibre durable dans le cadre des interactions des êtres vivants avec leur environnement, et ce, afin d’assurer la protection et la préservation de ce dernier.
Dans cet article, nous nous proposons d’explorer en profondeur la notion de fiscalité verte, en analysant ses avantages et ses limites. Nous examinerons également les taxes spécifiques visant à protéger l’environnement au Niger, offrant ainsi un aperçu des efforts déployés dans ce pays pour faire face aux défis environnementaux actuels.
La fiscalité verte, c’est quoi ?
L’OCDE définit la fiscalité verte comme l’ensemble des taxes, impôts et redevances dont l’assiette est constituée par un polluant ou par un produit ou service qui détériore l’environnement ou prélève des ressources naturelles.
Contrairement à la fiscalité traditionnelle axée sur les recettes, la fiscalité verte vise principalement à modifier les comportements en incitant les individus et les entreprises à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
C’est donc l’ensemble des impôts et taxes auxquels le contribuable est soumis en conséquence d’une activité ou d’une consommation ayant un impact néfaste sur l’environnement.
L’auteur français Pierre COLLIN explique par ailleurs que « Dans la pureté des principes, une fiscalité écologique devrait exclusivement revêtir une finalité comportementale. Pour être efficace, elle devrait, à l’inverse des préceptes de la fiscalité générale à finalité de rendement, avoir une assiette ciblée et un taux élevé afin d’être réellement incitative pour le contribuable et conduire à l’adoption de l’attitude recherchée. » Cela nous permet de dégager la différence majeure qui existe entre la fiscalité classique et la fiscalité verte à savoir l’objectif visé par le législateur lors la mise en vigueur de la taxe qui est de modifier le comportement de la population de façon à les inciter à être plus écoresponsables, contrairement aux autres taxes et impôts qui ont plusieurs finalités : assurer les dépenses publiques, augmenter la croissance économique, encourager les investissements…
La fiscalité écologique inclut également l’ensemble des avantages fiscaux accordés par l’Etat à certains secteurs ou produits substituts à des produits polluants ou ayant des impacts favorables sur l’environnement. Il s’agit des incitations fiscales qui peuvent prendre la forme de crédit d’impôt, d’exonération d’impôt ou d’imposition à taux réduit voir même de subvention.
Même si ces mesures n’ont pas toujours une finalité comportementale explicite, elles contribuent néanmoins à promouvoir des activités respectueuses de l’environnement.
Pierre COLLIN ajoute également que certaines mesures fiscales, bien que l’objectif ne corresponde pas à la finalité comportementale qu’a la fiscalité environnementale, peuvent être inclues dans le champ de la fiscalité verte, du moment où leur produit est exclusivement dédié à des actions en faveur de l’environnement. Tel peut être le cas d’un impôt ou une taxe dont les recettes sont versées à des fonds, des associations, des ONG qui militent pour la protection de l’environnement.
En résumé, la fiscalité écologique est l’ensemble des mesures fiscales dont l’objectif est d’inciter les individus et entreprises à être plus responsables vis-à-vis de l’environnement.
Ces mesures peuvent prendre différentes formes et sont destinées à évoluer dans le temps, dans l’espoir de créer un changement significatif dans nos habitudes et nos pratiques pour un avenir plus durable.
Les impôts et taxes de la fiscalité verte sont donc voués à disparaitre sur le long terme si l’objectif qui leur est assigné est atteint dans la mesure où les biens auxquels ils sont rattachés ne seront plus utilisés du fait de l’évolution positive des comportements.
Les avantages de la fiscalité environnementale
Les avantages de la fiscalité environnementale sont nombreux et variés, et ils s’étendent bien au-delà de la simple collecte de recettes fiscales.
A travers la taxation des produits et activités ayant des effets nocifs sur l’environnement, la fiscalité environnementale encourage les particuliers et les entreprises à adopter des comportements plus durables et respectueux de l’environnement. Il s’en suivra également d’une prise de conscience collective de l’importance cruciale de préserver notre environnement pour le bien-être actuel et futur de la société.
Cette prise de conscience va favoriser un environnement plus sain, réduire la prévalence des maladies, améliorer la santé globale de la population. De plus, elle encouragera la préservation de la biodiversité, l’atténuation des effets du changement climatique, la stimulation de l’innovation dans le secteur des technologies propres et durables…
Les recettes générées par la fiscalité écologique constitueront une source de richesse pour le pays et pourront d’ailleurs servir de financement pour des initiatives favorables à l’environnement telles que le financement des organismes défendant les intérêts environnementaux, la subvention des innovations dans le secteur du bien être environnemental ou le financement des interventions en cas de sinistres causés par les catastrophes environnementales. Ainsi, la fiscalité écologique offre une approche holistique pour aborder les défis environnementaux tout en promouvant le développement durable et la prospérité à long terme.
Les critiques à l’égard de la fiscalité verte
Les taxes écologiques, comme toute autre taxe, représentent un coût pour les entreprises. Ces coûts deviennent pour les entreprises qui utilisent des produits polluants dans le cadre de leurs productions des coûts supplémentaires aux coûts de productions déjà existant. Par conséquent, il en résulte un manque de compétitivité, notamment vis-à-vis des entreprises d’autres secteurs ou des entreprises étrangères. Cette situation peut même inciter certaines entreprises à délocaliser leur production vers des pays où les taxes environnementales sont moins contraignantes, favorisant ainsi l’évasion fiscale.
Un autre reproche à l’égard de la fiscalité verte est son impact sur le pouvoir d’achat des populations les plus vulnérables. Ces segments de la société, en effet, ne dispose pas des moyens nécessaires pour faire face à ces surplus de taxes sur des produits polluants qui sont dès fois essentiels à leur quotidien comme le carburant ou le charbon. Aussi, ils n’ont pas la capacité financière d’investir dans des alternatives plus écologiques comme les véhicules électriques ou l’énergie solaire. Cela aura pour conséquence, en plus de la détérioration de leurs pouvoirs d’achat, de contribuer à l’accroissement des inégalités sociales et favoriser un climat social délétère.
La fiscalité écologique soulève également une autre problématique, à savoir la détermination du niveau optimal de la taxe écologique. En effet, ces taxes devraient idéalement refléter l’impact réel sur l’environnement des produits ou des secteurs taxés. C’est ainsi qu’il peut arriver que des secteurs ayant des impacts plus élevés que d’autres soient taxés de manière moins significative. Cela peut être dû à tout simplement une mauvaise évaluation des impacts carbone du secteur ou du produit, voir à du lobbying qui pourrait exister dans le cadre de la mise en vigueur de certaines lois fiscales.
La fiscalité écologique au Niger
Le Niger à l’instar d’autres pays d’Afrique a mis en place certaines mesures visant à protéger l’environnement dont des mesures fiscales se traduisant par des taxes telles que la taxe de protection de l’environnement (articles 309 à 313 du CGI).
Cette taxe de protection de l’environnement cible les produits et les activités considérés comme polluants ou dégradants, avec des taux spécifiques variant en fonction de leur impact environnemental. En outre, elle impose des taxes forfaitaires annuelles aux entreprises et individus pratiquant des activités nocives, avec des montants échelonnés selon le degré de pollution.
Cette initiative gouvernementale vise ainsi à décourager les comportements préjudiciables à l’environnement tout en générant des ressources financières pour soutenir des initiatives de préservation écologique. La taxation des produits polluants importés est gérée par les services douaniers, tandis que les entreprises locales sont soumises à cette fiscalité via les services fiscaux.
Au-delà de son aspect dissuasif, cette fiscalité verte reflète l’engagement du Niger en faveur d’un développement durable et de la protection de son patrimoine environnemental. Elle constitue un instrument essentiel dans la transition vers une économie plus respectueuse de la nature et s’inscrit dans une démarche globale de sensibilisation et de préservation des écosystèmes fragiles du pays.
En outre, d’autres taxes au Niger ciblent indirectement des produits polluants sans que leur objectif premier soit explicitement lié à la protection de l’environnement. Parmi celles-ci, on retrouve :
La taxe sur les véhicules à moteur, réglementée par les articles 207 à 213 du Code Général des Impôts, qui vise les véhicules motorisés et contribue à la régulation du parc automobile tout en tenant compte de leur impact sur la qualité de l’air et les émissions de gaz à effet de serre.
La taxe spécifique sur les produits pétroliers et raffinés, définie dans les articles 266 sexdecies à 266 novodecies du CGI, qui concerne les produits dérivés du pétrole et contribue indirectement à réduire leur consommation en augmentant leur coût, ce qui incite à une utilisation plus rationnelle et à des alternatives plus respectueuses de l’environnement.
La taxe intérieure sur les produits pétroliers, réglementée par les articles 267 à 270 du CGI, qui impose une taxation sur les produits pétroliers consommés sur le territoire national.
CONCLUSION
En conclusion, la fiscalité environnementale représente bien plus qu’une simple mesure fiscale ; c’est un levier essentiel pour la préservation de notre planète. Malgré les résistances et les perceptions négatives qu’elle peut susciter chez certains contribuables, son rôle dans la lutte contre les dégradations écologiques est indéniable.
Pour qu’elle soit efficace, il est important de la mettre en œuvre de manière transparente et équitable, en communiquant clairement sur ses objectifs et en assurant que les recettes collectées soient réinvesties de manière appropriée dans des projets environnementaux. De plus, une sensibilisation continue sur les enjeux environnementaux est nécessaire pour mobiliser l’ensemble des acteurs économiques vers des pratiques plus durables.
En définitive, elle représente un pas important vers un avenir plus durable, où la protection de notre environnement ne sera pas simplement une option, mais une priorité.
WEBOGRAPHIE
- https://www.vie-publique.fr/eclairage/270834-fiscalite-ecologique-quelle-efficacite#les-conditions-sociales-et-%C3%A9conomiques-de-la-r%C3%A9ussite-de-la-fiscalit%C3%A9-verte
- https://www.open-diplomacy.eu/blog/la-fiscalite-ecologique-un-bon-outil
- https://luxdev.lu/fr/news/show/2022-08-16
BIBLIOGRAPHIE
- Gilles ROTILLON (2007), « La fiscalité environnementale outil de protection de l’environnement ? »
- Pierre COLLIN (2014), « fiscalité environnementale et constitution »
- Khalid FALHAOUI, Nabil BOUAYAD AMINE, Khalid ROUGGANI, (), « La fiscalité verte au Maroc : Etat des lieux et perspectives »
- Michael KEEN (2023), « La fiscalité et l’environnement : un aperçu des questions clés pour les pays en développement »
- Code général des impôts
Hama Abassa
Assistant comptable