L’IMPOT SUR LE REVENU DES VALEURS MOBILIERES ET LE CONCEPT DE REVENUS REPUTES DISTRIBUES

Le concept de « Revenus Réputés Distribués » se rencontre en droit fiscal nigérien. Inspiré du droit fiscal français, il intervient en matière d’imposition des revenus des participations (actions et parts sociales), appelés dividendes.
C’est pourquoi le terme « distribué » doit s’entendre par une distribution de dividendes, y compris les dividendes fictifs.
Aussi, faudra-t-il s’appesantir sur les concepts de dividendes réels et dividendes fictifs. Puisque, lorsque nous essayons de définir ces concepts, l’on se rend compte que les revenus considérés comme distribués par l’article 70, alinéa 9 du Livre premier du Code Général des Impôts (CGI) ont toujours revêtu l’un ou l’autre de ces deux qualificatifs. En effet, l’article 144 de l’AUDSCGIE de l’OHADA dispose : « Après approbation des états financiers de synthèse et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine :

–    le cas échéant, les dotations à des réserves facultatives ;
–    la part de bénéfices à distribuer, selon le cas, aux actions ou aux parts sociales ;
–    le montant du report à nouveau éventuel.

Cette part de bénéfice revenant à chaque action ou à chaque part sociale est appelée dividende (…) ».

De l’exégèse de cet article, il ressort qu’en principe, pour parler de dividendes (réels), le résultat de l’exercice doit :

–    être bénéficiaire ;
–    faire l’objet de distribution par décision de l’organe délibérant.

L’on parlera également de distribution de dividendes, lorsque des sommes sont versées à des associés malgré un résultat déficitaire, ou sans l’approbation de l’assemblée générale si le résultat est bénéficiaire : les sommes ainsi distribuées revêtent le qualificatif de dividendes fictifs : «Tout dividende distribué en violation des règles énoncées au présent article est un dividende fictif. » (Cf. Art. 144 de l’AUDSCGIE de l’OHADA).
L’on rangera sous la rubrique de dividendes fictifs, toutes les déductions de charges pouvant se traduire par un enrichissement des associés, notamment :

      • la fraction non déductible des intérêts versés aux associés en rémunération de leurs dépôts en comptes courants créditeurs ;
      • la fraction non déductible des frais de siège et d’assistance technique ;
      • la fraction non déductible des intérêts rémunérant des prêts consentis par des entreprises associées ou liées ;
      • les impôts, droits et taxes pris en charge par la société alors que leur paiement incombe de droit aux associés ;
      • tout report à nouveau bénéficiaire qui n’a pas donné lieu à délibération ;
      • le bénéfice réalisé par une société qui s’est abstenue de tenir l’assemblée générale ordinaire pour décider de l’affectation de résultat dans le délai de six (6) mois.
      • les sommes, non remboursables, mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées, à titre d’avances ou de prêts ;
      • les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.

Avant d’aborder les différentes hypothèses pouvant se présenter et leur traitement fiscal, il convient de préciser que l’imposition à l’IRVM des sommes en cause est faite :

      • au nom des associés : lorsqu’il s’agit de revenus régulièrement distribués (dividendes réels) ;
      • au nom de la société : lorsqu’il s’agit de revenus réputés distribués (dividendes fictifs). Cette taxation est définitive et libère la société de toute nouvelle imposition des sommes en cause (Cf. Art. 93 du LP du CGI).

Les revenus régulièrement distribués sont imposés au taux de 10% sous la rubrique « dividendes » tandis que les revenus réputés distribués sont imposés au taux de 15% sous la rubrique « autres produits » (Cf. Art. 74 du LP du CGI).
Dans la suite de l’article nous traiterons des hypothèses ci-après :

      • le redressement du résultat n’aboutit pas à l’apparition d’un bénéfice (I)
      • le redressement du résultat aboutit à l’apparition d’un solde bénéfice (II)

1. LE REDRESSEMENT DU RESULTAT N’ABOUTIT PAS A L’APPARITION D’UN BENEFICE

Trois (3) cas de figures peuvent se présenter lorsque le redressement du résultat n’aboutit pas à l’apparition d’un bénéfice :

      • les réintégrations sont relatives à des sommes investies dans la société (1.1.) ;
      • les réintégrations sont relatives à des sommes désinvesties (1.2.) ;
      • les réintégrations sont relatives à des déductions de charges pouvant se traduire par un enrichissement des associés (1.3.).

1.1.  Les sommes réintégrées sont demeurées investies dans la société

Lorsque le redressement du résultat n’aboutit pas à l’apparition d’un solde bénéficiaire imposable à l’ISB, les réintégrations ne peuvent, en principe, être considérées comme des distributions de dividendes au sens de l’article 70, alinéa 9, point c) du LP du CGI qui dispose : «  Pour l’application du point 1 susvisé, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les bénéfices. ».
Ce principe demeure valable pour autant que les réintégrations se rattachent à des charges pour lesquelles la société a reçu une contrepartie directe et proportionnelle (sans exagération) en biens ou en services. Il s’agit notamment des cas répertoriés dans le tableau ci-après.

N° 

Nature de la charge réintégrée

Le loyer des immeubles dont le contrat de bail n’a pas été présenté à la formalité de l’enregistrement

Les factures de montant supérieur à 3 millions n’ayant pas fait l’objet de règlement par procédé bancaire

Les primes d’assurances versées à des compagnies non agréées au Niger

Les dotations aux amortissements non déductibles

Les provisions non déductibles

Les factures sans NIF ou non certifiées

Les amortissements irrégulièrement différés

 8

Les pénalités et amendes fiscales 

Toute charge pour laquelle la société a reçu une contrepartie directe et proportionnelle en biens ou services.


1.2 les sommes réintégrées ont été désinvesties

Si les réintégrations sont relatives à des sommes désinvesties, il est fait exception au principe selon lequel « lorsque le redressement de résultat n’aboutit pas à l’apparition d’un solde bénéficiaire imposable à l’ISB, les réintégrations ne sont pas considérées comme des distributions de dividendes et ne sont pas passible de l’IRVM ».

Par sommes désinvesties, il convient d’entendre, les charges supportées par la société et pour lesquelles elle n’a pas reçu de contrepartie directe en biens ou en services ou lorsque les biens ou services  reçus ont été rémunérés de façon exagérée.

Dans ces cas, la partie du résultat rehaussé devient immédiatement imposable à l’IRVM au regard des dispositions de l’article 70, alinéa 9, point a du Livre premier du Code Général des Impôts (CGI) qui énoncent : « 9) (…) Sont considérés comme revenus distribués : 

a) les redressements de bénéfices réputés désinvestis (…) ».

Il s’agit notamment :

      • des cadeaux et dons non déductibles en matière d’ISB ;
      • des subventions accordées ;
      • de la fraction excédentaire des frais de réception ;
      • de la fraction excédentaire des parrainages sportif, culturel et social ;
      • de la fraction non déductible des charges à caractère mixte ;
      • de la prise en charge de dépenses incombant normalement à une tierce personne autre qu’un associé.

1.3 les réintégrations sont relatives à des déductions de charges pouvant se traduire par un enrichissement des associés

Lorsque les réintégrations sont relatives à des déductions de charges pouvant se traduire par un enrichissement des associés, les sommes en cause sont passibles d’IRVM, même si le redressement n’aboutit pas à l’apparition d’un bénéfice. Et ce, conformément à l’article 70 alinéa 9, point a) du LP du CGI qui dispose : « Sont considérés comme revenus distribués : a) les redressements de bénéfices réputés désinvestis et autres réintégrations se rapportant à : (…) et, de façon générale, à toutes les déductions de charges pouvant se traduire par un enrichissement des associés. ».

Par « déductions de charges pouvant se traduire par un enrichissement des associés » il convient d’entendre toutes les déductions de charges dont la finalité est de se traduire par des versements de sommes d’argent à des associées.

Lorsque le cas se présente, le fait que les réintégrations soient effectuées par le contribuable lui-même ou d’office par l’administration fiscale est sans influence sur l’imposition à l’IRVM des sommes en cause. Tel est le cas notamment :

      • la fraction non déductible des intérêts versés aux associés en rémunération de leurs dépôts en comptes courants créditeurs ;
      • la fraction non déductible des frais de siège et d’assistance technique ;
      • la fraction non déductible des intérêts rémunérant des prêts consentis par des entreprises associées ou liées ;
      • les impôts, droits et taxes pris en charge par la société alors que leur paiement incombe de droit aux associés ;
      • tout report à nouveau bénéficiaire qui n’a pas donné lieu à délibération ;
      • le bénéfice réalisé par une société qui s’est abstenue de tenir l’assemblée générale ordinaire pour décider de l’affectation de résultat dans le délai de six (6) mois.
      • les sommes, non remboursables, mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées, à titre d’avances ou de prêts ;
      • les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.

Dans tous ces cas de figure, les sommes exclues des charges déductibles et réintégrées au résultat fiscal sont soumises à l’IRVM, que les réintégrations aboutissent ou non à l’apparition d’un solde bénéficiaire.

2. LE REDRESSEMENT DU RESULTAT ABOUTIT A L’APPARITION D’UN SOLDE BENEFICE

Lorsque le redressement du résultat aboutit à l’apparition d’un solde bénéficiaire, l’excédent de bénéfice non déclaré est imposé à l’IRVM s’il est relatif à :

      • une déduction de charge pouvant se traduire par un enrichissement des associé (voir point 1.3 en supra) ;
      • des dépenses pour lesquelles la société n’a pas reçu de contrepartie directe et proportionnelle (voir point 1.2. en supra) ;
      • des dissimulations de produits ou de recettes.

2.1 Des modalités d’imposition de l’excédent de bénéfice non déclaré

Lorsque le redressement du résultat aboutit à l’apparition d’un solde bénéficiaire, l’imposition à l’IRMV de l’excédent de bénéfice non déclaré est faite à la lumière des dispositions de l’article 70, alinéa 9, point c) du LP du CGI qui énoncent : « Pour l’application du point 1 susvisé, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les bénéfices. ».

Cette disposition ne permet pas de considérer le bénéfice fiscal comme base de liquidation de l’IRVM. Elle pose simplement le principe selon lequel : « Les redressement de bénéfices ne sont passibles d’IRVM que lorsqu’ils ont abouti à des contributions supplémentaires d’impôt sur les bénéfices ».

Il est donc erroné de considérer le bénéfice fiscal comme base de liquidation de l’IRVM. 

2.2 Des modalités de détermination du bénéfice imposable à l’IRVM

Le bénéfice passible de l’IRVM est le bénéfice comptable, diminué de l’ISB ou l’IMF dû au titre du même exercice, conformément à l’article 70, alinéa 9, point c) du Livre premier du CGI qui édicte : « Les sommes imposables sont déterminées, pour chaque période retenue pour l’établissement de l’impôt sur les bénéfices, par la comparaison du bilan de clôture de ladite période et de celui de la période précédente. (…) Toutefois, ces bénéfices sont augmentés de ceux qui sont légalement exonérés dudit impôt, y compris les produits déductibles du bénéfice net en vertu de l’article 21 du présent Code, ainsi que les bénéfices que la société a réalisés hors du Niger, et diminués des sommes payées au titre de l’impôt sur les bénéfices.».

Cette méthode de détermination du bénéfice aboutit systématiquement au résultat net comptable dont la formule est transcrite à l’article 11, alinéa 2 du LP du CGI qui dispose : « (…) Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt, diminuée des suppléments d’apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par des associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées. ». Il s’agit de la théorie du bilan.

 

Conclusion

Nous pouvons conclure en retenant que la présomption de distribution résultant des dispositions l’article 70, alinéa 9, point c) du Livre premier du Code Général des Impôts (CGI) s’applique seulement aux bénéfices qui ont effectivement donné lieu à une imposition à l’ISB : « Pour l’application du point 1 susvisé, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les bénéfices. ». Mais, ces dispositions ne font pas obstacle, dans le cas où les réintégrations en cause n’ont pas dégagé un solde bénéficiaire imposable à l’ISB, à ce que les sommes ainsi réintégrées soient regardées comme distribuées et soumises à l’IRVM sous les rubriques suivantes :

      • « bénéfices réputés désinvestis » ;
      • « déductions de charges pouvant se traduire par un enrichissement des associés ».

L’imposition à l’IRVM des revenus réputés distribués est faite au nom de la société. Cette taxation est définitive et libère la société de toute nouvelle imposition des sommes en cause.

Que les réintégrations aboutissent ou non à l’apparition d’un solde bénéficiaire, une analyse par nature de réintégration s’impose afin de déterminer les réintégrations passibles de l’IRVM (revenus réputés distribués) et celles qui n’en font pas l’objet.

 

Inspecteur des impôts et des domaines.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *