LA COMMUNICATION FISCALE, UN PRÉALABLE AU CONTRÔLE FISCAL

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La fiscalité est un pilier central de toute économie. Elle permet de mobiliser des ressources pour financer les services publics, garantir l’investissement dans les infrastructures, et soutenir les politiques sociales. Dans la majorité des systèmes fiscaux contemporains, le contrôle fiscal joue un rôle essentiel pour s’assurer que les contribuables, qu’ils soient individus ou entreprises, respectent leurs obligations. Cependant, au-delà de ce contrôle, un nouvel enjeu émerge : la communication fiscale. Cet article explore comment une approche proactive de communication pourrait non seulement renforcer l’efficacité du contrôle fiscal, mais aussi transformer la relation entre les administrations fiscales et les contribuables, en particulier dans les pays en développement.

I. QUEL BILAN POUR LE CONTRÔLE FISCAL ?

A. Un système déclaratif auto-liquidé, mais des résultats limités

La plupart des systèmes fiscaux dans le monde fonctionnent sur une base déclarative et auto-liquidée, c’est-à-dire que ce sont les contribuables eux-mêmes qui déclarent leurs revenus et calculent l’impôt dû. L’administration fiscale intervient en vérifiant la conformité de ces déclarations à travers des contrôles ciblés.

  1. Généralement l’apport du contrôle fiscal ne dépasse guère les 20% des performances des administrations fiscales ;
  2. Même en l’absence de comptabilité analytique, on se rend compte que les intrants du contrôle fiscal (en temps, en énergie, en moyen) ne produisent pas des résultats forcément à la hauteur des attentes ;
  3. Les contrôles ne sont pas suffisamment pédagogiques et ne permettent pas à l’évidence de traiter définitivement tous les risques d’incivisme malgré les ajustements continuels de la loi.

B. Un contrôle fiscal insuffisant : MAIS QUEL EST LE BILAN DE CE CONTROLE ?

Le contrôle fiscal vise à corriger ces défaillances, mais quel est réellement son impact ? Des études montrent que, dans de nombreux pays, la contribution du contrôle fiscal aux recettes globales des administrations fiscales reste relativement faible, ne dépassant souvent pas les 20 % de l’ensemble des performances fiscales. Ce faible rendement s’explique par plusieurs facteurs :

      • Manque d’efficacité des contrôles : Les intrants mobilisés pour effectuer les contrôles fiscaux (temps, énergie, moyens humains et financiers) ne produisent pas toujours des résultats proportionnels. Les administrations fiscales doivent allouer des ressources importantes pour auditer des contribuables, mais ces efforts n’aboutissent pas toujours à des récupérations significatives de recettes supplémentaires.
      • Absence de comptabilité analytique : Dans de nombreux pays, l’absence d’outils de mesure précis rend difficile l’évaluation de l’efficacité des contrôles fiscaux. Sans comptabilité analytique, il est complexe de calculer le retour sur investissement des ressources engagées, ce qui empêche l’administration de réajuster ses stratégies de manière optimale.
      • Un manque de pédagogie et de prévention : Les contrôles fiscaux, dans leur forme actuelle, ne sont pas suffisamment pédagogiques. Ils se concentrent sur la répression plutôt que sur l’éducation des contribuables. En conséquence, les contrôles ne permettent pas de traiter de manière durable les risques d’incivisme fiscal, même lorsque la législation est continuellement ajustée pour combler les failles. Les contribuables restent dans l’ignorance des règles, et l’administration peine à instaurer un climat de confiance et de coopération.

C. Perspectives internationales : Comparaison et exemples

À travers le monde, certains pays ont réussi à améliorer l’efficacité de leur contrôle fiscal en introduisant des réformes innovantes. Par exemple :

L’Australie a adopté un modèle de contrôle basé sur la prévention, combinant technologie et pédagogie pour mieux informer les contribuables sur leurs obligations fiscales. Cette approche a permis d’augmenter la conformité sans avoir recours à des contrôles massifs.

En France, l’administration fiscale utilise de plus en plus l’intelligence artificielle pour identifier les risques de fraude en amont, optimisant ainsi l’efficacité des audits en ciblant uniquement les dossiers les plus suspects.

II. VERS UNE CODIFICATION DE LA COMMUNICATION FISCALE

 »La confiance n’exclut pas le contrôle » mais  »la communication renforce la confiance ». Dans une dynamique de gestion plus performante des risques, une codification de la communication des administrations fiscales à travers des lois et des règlements devient une piste sérieuse à explorer.

A. Une nouvelle procédure fiscale : La « communication fiscale »

Il s’agirait d’introduire dans le Code Général des Impôts (CGI) une nouvelle procédure fiscale, intitulée  »communication fiscale ». Cette procédure viserait à structurer de manière formelle les interactions entre l’administration fiscale et les contribuables, à l’instar du contrôle, du contentieux ou du recouvrement.

1. Structure et modalités

La communication fiscale serait une procédure avec un cadre légal clair, incluant :

      • Des obligations de transparence : l’administration fiscale devrait régulièrement informer les contribuables sur l’utilisation des recettes fiscales collectées et les performances en termes de mobilisation des recettes. Cette transparence vise à renforcer la confiance des citoyens en démontrant que leurs impôts sont utilisés de manière efficace et en accord avec les priorités nationales.
      • Des outils de sensibilisation : l’administration pourrait organiser des campagnes d’information, des séances de formation, ou même mettre en place des portails numériques permettant aux contribuables d’accéder facilement à des informations fiscales claires et actualisées.

2. Un cadre de sanctions pour garantir la crédibilité

Pour rendre cette procédure crédible, il serait nécessaire de prévoir des sanctions en cas de manquement de l’administration fiscale à ses obligations de communication. Par exemple, si l’administration ne respecte pas ses engagements de transparence ou d’éducation fiscale, des amendes ou des restrictions budgétaires pourraient être envisagées.

B. Les objectifs de la communication fiscale

La communication fiscale aurait pour objectif d’être préventive et pédagogique. Elle se concentrerait sur :

      • Informer les contribuables de manière proactive sur leurs obligations et leurs droits fiscaux afin de réduire les erreurs et les incompréhensions.
      • Rendre compte des performances fiscales de l’administration, en démontrant l’utilisation des recettes collectées pour le financement des politiques publiques. Ce retour d’information permettrait de légitimer l’impôt aux yeux des contribuables.

C. Bénéfices pour les pays en développement : Une solution pour l’autofinancement

Cette procédure pourrait représenter un levier significatif pour les pays en développement. En renforçant la confiance entre les contribuables et l’administration, la communication fiscale encouragerait une meilleure conformité volontaire, réduisant ainsi le besoin de recours systématique aux contrôles répressifs. Les recettes fiscales supplémentaires ainsi collectées permettraient aux pays de mieux autofinancer leurs besoins nationaux (infrastructures, services publics) sans dépendre exclusivement de l’aide internationale.

D. Exemples de mise en œuvre réussie

Certains pays en développement, tels que le Rwanda, ont déjà entrepris des initiatives pour améliorer la transparence fiscale. En informant régulièrement les citoyens sur les projets financés par leurs impôts, le gouvernement rwandais a réussi à instaurer une culture de conformité fiscale volontaire.

Vers une réforme globale des systèmes fiscaux

En conclusion, la mise en place d’une communication fiscale structurée représente une opportunité de réforme majeure pour les systèmes fiscaux, en particulier dans les pays en développement. En renforçant la transparence et l’éducation, elle permettrait de mobiliser des ressources supplémentaires tout en établissant une relation de confiance entre les contribuables et l’administration.

Il est désormais temps pour les administrations fiscales de repenser leur approche et d’adopter des stratégies de communication proactives, adaptées aux réalités locales, pour optimiser l’efficacité des contrôles fiscaux et maximiser les recettes. Une telle réforme ne peut se faire qu’en coopération avec les parties prenantes internationales, notamment le FMI et la Banque mondiale, qui pourraient apporter leur soutien technique et financier pour la mise en œuvre de ces nouvelles pratiques.

Inspecteur des impôts


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